
Ce qui frappe tout de suite en entrant sur la piazza Delle Cinque Scòle c’est cette atmosphère de petite ville coupée du reste de la Cité. En effet, cette place est la plus importante du Ghetto de Rome et elle est, comme tout le quartier, tournée sur elle-même, accessible soit depuis le Tibre en passant le long de la synagogue, à côté des guérites des carabinieri, soit par quelques passages et ruelles étroits. De haut bâtiments ferment la place où les bancs sont occupés par des anciens refaisant le monde, le parvis sert d’aire de jeux pour les enfants, les terrasses des restaurants et les épiceries kascher la bordent, les militaires en armes, les policiers avec leur Ray-ban, les hommes en civil avec leurs oreillettes et leurs bombers fermés jusqu’au cou la arpentent. Vous venez de changer de dimension, d’espace temps, soyez les bienvenus au Ghetto !
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Petite histoire du Ghetto de Rome

Le ghetto de Rome n’est pas le premier ghetto d’Italie, il a été en cela précédé par le ghetto de Venise instauré en 1516 pour confiner et contrôler la communauté juive de la sérénissime en la rassemblant dans un quartier clos et surveillé dont il était interdit de sortir à certaines heures, et dans tous les cas interdit d’en sortir sans un signe distinctif (casquette, tissu de couleur,…). Le Pape Paul IV, en 1555, s’inspira de Venise en établissant dans les États Pontificaux (donc à Rome qui en était le capitale) une série de règles contraignantes (interdiction de certains métiers; pas d’accès à la propriété – ce qui fait que les habitants du ghetto étaient tous locataires de bons chrétiens – ; interdiction de vendre des objets neufs, etc) pour les communautés juives dont le confinement dans ces quartiers clos était la face la plus visible.

Les communications vers le reste de le Cité se faisaient par deux portes gardées, fermées du coucher au lever du soleil. À sa création le Ghetto de Rome compte près de 2000 résidents et sa population ne fera qu’augmenter, générant des conditions de vie pénibles avec une grande densité de population. Curieusement, si les conditions de vie étaient particulièrement difficiles, l’attachement des habitants pour ce quartier était, et est toujours, réel ; certainement du fait qu’il représentait pour cette population présente à Rome depuis l’antiquité (comme en atteste la synagogue découverte à Ostia Antica), une forme de protection vis à vis du monde extérieur.
Le ghetto fut une première fois aboli par les français de 1798 à 1799 lorsque Rome fut une éphémère République Sœur de la République française, puis par Napoléon de 1808 à 1815, avant de disparaître définitivement en 1870 lors de la chute de Rome et l’intégration des États Pontificaux au Royaume d’Italie.

En septembre 1943, lorsque l’Allemagne occupe le Royaume d’Italie suite à la destitution de Mussolini et le retournement de son alliance au profit des alliés, la communauté juive du Ghetto de Rome compte environ 10000 personnes. Cette occupation allemande correspond avec le rétablissement du confinement des juifs dans le Ghetto (comme ce fut le cas à travers toute l’Europe). Le 16 octobre 1943 l’occupant allemand ayant préalablement bloqué toutes les issues du quartier opère une rafle autour de la via del Portico d’Ottavia, capturant plus mille juifs qui seront déportés essentiellement vers Auschwitz, dont très peu reviendront. Fort heureusement, comme vous l’apprendra peut-être la visite de la synagogue de Rome, une partie importante de la population du Ghetto a pu fuir avant la rafle, ayant été informée par d’autres italiens, tandis que d’autres ont été cachés par leurs voisins, ce qui permis d’éviter un drame encore plus important. Ce ne fut pas cependant la dernière rafle qu’eut à subir le Ghetto, car le 24 mars 1944 en représailles à un attentat de la résistance italienne contre les troupes allemandes il fut décidé de capturer 335 civils italiens, dont une part fut raflée dans le ghetto, afin d’être fusillés dans la périphérie de la ville, aux Fosses Ardéatines.
Les rues du Ghetto de Rome gardent aujourd’hui le souvenir des ces événements tragiques à l’attention de ceux qui sauront prêter attention à certains détails , notamment ces pavés de laiton insérés dans la rue devant chaque maison où un ou plusieurs occupants furent enlevés par les allemands.
Le Ghetto de Rome aujourd’hui

De nos jours le Guetto de Rome est toujours le lieu où se trouvent les principaux centres de la communauté juive de Rome, même si celle-ci a recommencé à sortir de ces frontières pour s’installer sur l’île Tibérine ou au Trastevere.
Le quartier a gardé ses traditions, dont la gastronomie n’est pas la moindre, et demeure quasiment inchangé depuis le 17ème siècle, montrant de la sorte des immeubles anciens, qui ailleurs ont disparu au profit de constructions plus confortables. Le lacis de petites rues qui entoure la Piazza delle Cinque Scòle montre encore de petits immeubles quasi-insalubres, hors du temps, mélange de pierres médiévales, de moucharabiehs, enchevêtrement de toitures, qui donnent une idée du visage que pouvait avoir Rome quelques siècle en arrière.
Par ailleurs, le Ghetto est bordé par les édifices romains de l’ancien Champs de Mars à savoir le Teatro Marcello et le Portico d’Ottavia qui s’intègrent dans les habitations et complètent agréablement la visite du quartier.

Un bon restaurant pour se remettre de ces émotions : La Taverna del Ghetto

La Piazza delle Cinque Scòle est bordée de restaurants qui proposent la savoureuse cuisine juive romaine, synthèse heureuse des falafels, des gnocchis et des artichauts !
La Taverna del Ghetto n’est pas le restaurant le plus côté par les guides ou par Trip Advisor sur la place, mais il est notre préféré pour plusieurs raisons : la cuisine est simple, traditionnelle, goûteuse, les plats sont généreusement servis ; l’accueil est sympathique et il y a même Massimo qui se débrouille très correctement en français pour aider ceux qui ne maîtriseraient pas encore la langue de Dante ; de plus sa minuscule terrasse est stratégiquement placée pour admirer le spectacle de la vie de quartier.
Pour ce qui est des plats, ne passez pas à côté des fleurs de courgettes farcies à la morue, ne ratez sous aucun prétexte l’artichaut frit à la giuda, faites confiance à l’agneau rôti qui est ici confit… Les plus aventureux d’entre vous se jetterons sur la Coratella, un ragoût d’abats et d’artichauts qui est bien meilleur que ce que son aspect peut suggérer !